A Cherbourg, la mort bouleversante d’un protecteur des exilés

Jean Dussine a passé les dernières années de sa vie à Cherbourg à apporter un soutien à ceux qui ont quitté leur pays, souvent pour fuir la misère et la guerre.

Cherbourg, la ville jumelle de Somone au Sénégal, est sous le choc depuis l’assassinat de Jean Dussine, président de l’association Itinérance, à son domicile mardi, par un jeune migrant afghan. On ignore les raisons de son geste. Téranga Cherbourg appréciait  l’action formidable de Jean Dussine et veut par cette article témoigner sa solidarité à ses amis d’Itinérance.

La Presse de La Manche. – DE SON REGARD transparaissait la douceur qui l’habitait. Régulièrement, il aimait partager en images sur les réseaux sociaux les moments de vie dans sa belle maison de la Monteux, à Bretteville-en- Saire, d’où il appréciait tant regarder la mer et les couchers de soleil. Jean Dussine est mort, hier matin, chez lui. Il avait 63 ans. L’émotion est im- mense, à la hauteur du respect que suscitait l’homme. Riche de ses rencontres, il est parti entouré de ceux pour qui il avait été un phare dans la nuit de leur vie tourmentée.

Depuis plusieurs années, Jean Dussine hébergeait chez lui des migrants, sans contre- partie. La loi est ainsi faite qu’on aurait pu le condamner pour cela. Il racontait souvent refuser de différencier les malheurs selon les situations administratives. Ils étaient sept, encore, lundi soir. Dans la mati- née d’hier, ce sont eux, dans un état de détresse, qui ont applé les secours.

Une scène violente

Un homme, que Jean Dussine aurait déjà hébergé, semble avoir commis l’irréparable dans sa folie, un peu avant 11 heures. Le parquet de Cherbourg a confirmé l’inter- pellation d’un individu, un mi- grant d’origine afghane âgé de 21 ans. Il se serait présenté au domicile quelques minutes avant le drame. Inconnu des services de justice, il portait des traces de sang sur lui et sur ses vêtements à l’arrivé des forces de l’ordre. Il a rapidement été placé en garde à vue, mais pas encore entendu par les enquêteurs.

Le jeune homme aurait frappé Jean Dussine avec un objet contendant, visiblement une barre de fer. Il n’y avait pas de trace de lutte apparente. Les migrants dans la maison, alertés par le bruit, sont finalement parvenus à maîtriser et à stopper le jeune homme. Il était trop tard. Les secours ne sont pas parvenus à réanimer Jean Dussine, qui présentait une importante plaie à la tête. Hier soir, les témoins de la scène étaient auditionnés en gendarmerie.

Jean Dussine était grand, ne savait pas toujours où se mettre mais trouvait toujours de la place, dans son cœur et sa maison. Personne ne pouvait s’imaginer qu’un jour, un loup entrerait dans la bergerie. Ceux-là ne s’annoncent pas. Ils n’ont pas de couleurs ni de pays. Jean Dussine croyait en l’humain et il y croit sans doute toujours, de là où il est aujourd’hui. Il s’amusait des rumeurs mais serait furieux que sa mort soit instrumentalisée pour tirer des conclusions rapides et contraires aux grands principes qui l’animaient.

Professeur à la retraite, Jean Dussine a consacré les dernières années de sa vie aux autres, aux plus fragiles, à ceux qui venaient de loin. Dans sa maison, chacun entrait comme il était et laissait à la porte les troubles d’une vie bousculée pour penser à l’après.

Hier après-midi, les techniciens en investigation criminelle ont travaillé sur place. La route qui mène à son domicile était bloquée des deux côtés par les gendarmes. Celle-là même que les nombreux migrants à qui il donnait un coup de pouce traversaient à pied tous les matins pour se rendre en ville et croire en des jours meilleurs. Il était un collègue, un ami, un père de substitution. Un espoir. Pour eux, pour tous les autres et pour chacun de ceux qui ont préservé au plus profond de leur chair l’idée qu’un autre monde était possible.

Du temps pour les autres

Jean Dussine était président d’Itinérance depuis 2016. La première fois qu’il assista à une réunion de l’association, un an plus tôt, c’était juste pour regarder. Et puis, petit à petit, il s’est passionné. Donner du temps pour les autres, ça le

connaissait. Dans un autre re gistre, il avait déjà eu des responsabilités dans l’ensemble vocal d’Octeville Résonance. Son regard traînait un peu dans le vague lorsqu’on lui demandait de parler de lui. Mais il savait dépasser sa part de timidité pour monter au créneau pour des gens, des idées.

L’enquête a été confiée à la Section de recherches de la gendarmerie de Caen. Elle devra dessiner les contours de l’affaire et déterminer précisément les circonstances du drame. Une autopsie sera pratiquée dans les prochains jours. Une existence au nom du sens collectif s’éteint. Il était rieur, bienveillant. Il tendait la main. Il changeait la vie.

Julien MUNOZ (avec L.A.)

Jean Dussine était aussi choriste dans le choeur de Cherbourg Résonance, aux côtés de Philippe, l’animateur de ce blog de Téranga.


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2 Comments

  1. Assane Ndiaye mai 15, 2020 11:52 am  Répondre

    c’est triste et respect à ce grand monsieur et surtout à teranga Cherbourg pour tout les actions que vous faites au niveau de la Somone. la population somonoise ne vous remerciera jamais assez.

  2. FALL Anne-Cécile mai 14, 2020 12:35 pm  Répondre

    Je ne connaissais pas cet homme que vous décrivez dans votre article mais je souhaite lui adresser un très grand respect. Pensées profondes à sa famille et amis…
    Un exemple pour l’humanité…